On sait que, depuis la préhistoire, repérer des régularités
dans la succession des événements a permis aux
hommes de prévoir, donc d’agir sur leur environnement,
humain et non humain, de façon sélective, avec une
efficacité croissante. De cet effort de prévision en vue de l’action
est née, dans le contexte d’un processus de spécialisation
des fonctions sociales étalé sur des millénaires, une pratique
qu’on appelle aujourd’hui, de façon souvent confuse, « la
science ». Les multiples conséquences de cette pratique sur
nos modes de vie et de pensée, pour le meilleur et pour le
pire, justifient que nous essayions de comprendre à quoi tient
son efficacité, et plus généralement de réunir à son sujet les
moyens d’une information critique.
Au lieu de partir des réflexions fournies par les philosophes,
j’ai donné la priorité à la pratique des chercheurs euxmêmes
et à leurs discours sur cette pratique. Pour eux,
l’efficacité de la pratique scientifique tient essentiellement à
l’imagination, qui fournit les hypothèses, et à l’objectivité, qui
exige de les éprouver.
Je me propose essentiellement de préciser ce rôle de garde-fou
joué par l’objectivité.
On évitera, au préalable, de confondre les règles de l’objectivité
avec les autres aspects de cette pratique sociale hétérogène
étiquetée « la science » : concepts généraux (séduisants
pour l’imagination tant qu’on les manie de loin, mais en réalité
précis et très abstraits), savoirs (acquis, mais toujours provisoires), moyens techniques (plus ou
moins sophistiqués, utiles ou nuisibles),
institution (chargée en principe
de produire des savoirs, bloquant en
fait certaines recherches, certains résultats),
imposition de choix de société,
maintien des structures de domination,
etc.
C’est en jouant sur de telles confusions
que nos sophistes postmodernes
et autres penseurs médiatiques visent
à faire passer l’objectivité scientifique
pour une simple convention, et obligent
parfois, pour leur répondre, à rappeler
quelques banalités.
empiriques et propres à chaque
domaine de recherche). Les règles générales
de l’objectivité constituent seulement
une méthode de validation des
hypothèses.
Lire la suite fichier pdf