Religions, valeurs, identités.
Encore un effort vers l’émancipation...
« Crise des valeurs », « retour du religieux », « problèmes identitaires », autant d’expressions couramment utilisées pour évoquer le désarroi de l’individu face à un monde désenchanté, uniformisé, privé d’espoir et de perspectives. Mais ces expressions, derrière leur évidence apparente, recèlent bien des ambiguïtés.
Quelles valeurs sont-elles en crise ? Lesquelles s’agit-il de préserver ? Ceux qui ont imposé le triomphe de la rationalité financière ne jouent-ils pas à la fois la carte des valeurs traditionnelles - travail, patrie, religion - pour s’acquérir la docilité des dominés, et celle des valeurs nouvelles nécessaires au capitalisme : course effrénée à l’argent et aux plaisirs qu’il procure, éloge de la concurrence et de la guerre de tous contre tous ?
À propos des identités aussi, la question se pose : s’il en est des meurtrières, pour paraphraser le titre du bel essai d’Amin Maalouf, d’autres ne sont-elles pas nécessaires à tout individu pour se construire et pour agir ?
Quant au sentiment religieux, a-t-il vraiment besoin d’un retour, a-t-il jamais disparu ou seulement diminué ? Sans doute, certaines études indiquent une tendance au déplacement des croyances, désertant les grandes religions monothéistes pour se tourner vers des formes plus décentralisées, plus vagues, plus affectives, de « spiritualité ». Mais, outre que c’est loin d’être le cas pour toutes les religions traditionnelles et sur tous les continents, ce déplacement ne change probablement pas grand-chose à des questions fondamentales telles que : pourquoi croit-on ? Pour quelles raisons le sentiment religieux semble-t-il si universel et si nécessaire à la plupart des humains ? Comment intervient-il dans l’institution des valeurs et des identités ?
Et quel rapport ces trois notions - religion, valeurs, identités - entretiennent-elles avec l’organisation matérielle et formelle de la vie collective, avec l’ordre économique et politique ?
Ce sont ces questions-là que nous nous sommes posées, sans chercher à adopter le regard neutre de l’enquêteur, mais en interrogeant du même coup nos propres valeurs et identités, pour mieux, plus lucidement, les réaffirmer.