Réfractions, recherches et expressions anarchistes
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Contourner un affrontement violent et stérile
Pierre Sommermeyer
Article mis en ligne le 10 juin 2010
dernière modification le 26 mai 2016

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D ans un précédent article de Réfractions 1 , j’avais avancé que, la globalisation du monde une fois terminée 2 , le rôle historique de la bourgeoisie serait lui aussi ter- miné. La conquête de « libertés formelles » nécessaires à la libre circulation des biens et des individus est accomplie. Son extension, au bénéfice de ceux qui ne bougent pas 3 , n’est pas à l’ordre du jour. Au contraire, ce que l’on met sous le terme de « droits de l’homme » apparaît comme une entrave au dé- veloppement des forces productives nécessaires au nouveau type de capitalisme qui est en train de se mettre en place sous la conduite d’une classe sociale de managers étatico-privés. On est rarement prophète en son pays, mais je dois dire que ce qui s’est passé à Strasbourg du 30 mars au 5 avril 2009 illustre étrangement ce propos. La confiscation de l’espace public à seule fin de célébration d’un anniversaire, celui de la création de l’Otan, ainsi que le complet retour de la France en son sein et ce qui s’ensuivit doivent être non seulement rap- portés mais aussi analysés.

Face à ce « hold-up », la seule opposition qui a pu apparaître radicale a été l’action de ceux que l’on appelle les « black blocs ». Non pas qu’ils aient été les seuls présents, car des groupes de l’Europe entière étaient là pour manifester leur refus de l’organisation militaire occidentale, mais leur impréparation comme leur incompréhension du moment historique ont mis en relief l’action des groupes encagoulés et vêtus de noir. Elle s’est exprimée sous la forme de trois manifestations dont la dernière, le samedi 4 avril, a été le point culminant. Cette exposition des faits semble claire. Elle l’est à la lecture des médias. Est-elle pertinente pour autant ?

C’est là la question.

Ce qui semble évident, c’est que l’apparition répétée des groupes en noir et la radicalité de leur action ne peuvent plus être passées sous silence ou seulement regardées avec une certaine sympathie. Il faut en faire la critique, mais celle-ci doit englober tous les intervenants dans le conflit. Car, au fond, il s’agit bien d’un conflit dont la première bataille d’importance s’est probablement livrée à Strasbourg cette première semaine d’avril 2009.

Le territoire confisqué

L’information selon laquelle le som- met de l’Otan pour l’année 2009 se tiendrait à Strasbourg était connue depuis le mois de juin 2008. Cette réunion annuelle coïncidait avec le soixantième anniversaire de sa créa- tion, d’une part ; d’autre part, le nouveau président des États-Unis d’Amérique serait présent et ce serait aussi le retour de la France dans le commandement de l’organisation. Le symbole européen incarné par Strasbourg tout comme le désir du président français ont justifié le choix de cette ville. Il va s’agir alors d’organiser ce sommet et surtout d’en garantir la sécurité. L’élection d’Obama a changé la donne. Le fait qu’il soit noir augmente encore la paranoïa anti-terroriste américaine. Il est difficile de le prouver, mais il apparaît fort probable que cela a déclenché un délire sécuritaire inexorable. Cette attitude jointe à l’autoritarisme exacerbé du président français telle qu’il s’est mani- festé quelques mois plus tôt 4 va mettre les autorités locales sur les dents.

Après pas mal de tergiversations préfectorales, la ville est divisée en trois parties ; deux seront sécurisées, le reste étant hors contrôle. Les deux parties sous contrôle sont, chacune, divisées en deux, une zone rouge et une zone orange. Leurs habitants sont avertis que les 3 et 4 avril leurs allées et venues seront contrôlées, qu’ils devront présenter un badge pour sortir ou pour rentrer. Pour obtenir ce dernier, les Strasbourgeois concernés devront se présenter auprès de la police et déclarer le nom de leurs visiteurs ou s’ils sont, par exemple, médecins, le nom de leurs patients. Un fichier est ainsi constitué. Fichier mis en place sans aucune demande d’auto- risation ou déclaration préalable. Fichier dont nul ne sait d’ailleurs ce qu’il est devenu. Il faudra attendre le 29 mars, soit quelques jours avant son utilisation concrète, pour que sa situation administrative soit régula- risée. La Ligue des droits de l’homme déposera une requête contre ce fichier ; requête rejetée.
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