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Nicolas
Au temps de la Première Internationale
Article mis en ligne le 23 mai 2010
dernière modification le 23 mai 2011
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L’exploitation capitaliste du début de l’industrialisation –lorsque le prolétariat urbain se constitue en tant que classe, processus qu’on peut situer en France vers 1830 – est violente et brutale : 14 et 16 heures par jour de travail sans aucune garantie de l’emploi. Simultanément à l’introduction de la machine se développe un
sous-prolétariat, les femmes et les enfants, avec un salaire inférieur à
celui des hommes1.

Depuis le premier congrès de l’Association internationale des
travailleurs (Genève, 3-8 septembre 1866), la question du travail des
femmes est débattue, mettant en évidence l’ambiguïté et la contradiction de la situation dans laquelle la plupart des hommes se trouvent par rapport :

1. à la concurrence réelle due à l’inclusion dans le marché du travail
d’une main-d’oeuvre sous-payée ;

2. à la présence d’images,mythes, traditions, sur la sexualité et le corps
de la femme, compagne de l’homme, mère de ses enfants, gardienne du feu sacré du foyer, justifications patriarcales de la prééminence de
l’homme dans la tradition gréco-romaine et chrétienne ; mais restons-en là pour l’instant.

3. à la contradiction entre cette subordination de la femme et le
contenu utopique de l’égalité des sexes et la libération de l’humanité.

Étant donné les conditions de vie de la classe ouvrière, nier à la femme les possibilités de travailler, c’est la réduire exclusivement au domaine domestique ou à la prostitution. Au harem ou au gynécée. Eugène Varlin, par exemple, membre de la minorité de la délégation française à Genève, a conscience du problème et l’exposera pendant le congrès. La seule résolution du congrès sera que les femmes soient exclues « de n’importe quel travail de nuit et de toute sorte de travail où la pudeur serait blessée et où leur corps serait exposé à des poisons ou à d’autres agents délétères »2.

L’année d’après, Varlin exposera sa position, fermement liée à la réalité sociale, au sein de la Société de Crédit mutuel des Relieurs (1867).

La femme doit travailler et être rétribuée pour son travail. Ceux qui veulent lui refuser le droit au travail veulent la mettre toujours sous la dépendance de l’homme. Nul n’a le droit de lui refuser le seul moyen d’être véritablement libre. Elle doit se suffire à elle-même, et comme ses besoins sont aussi grands que les nôtres, elle doit être rétribuée comme nous-mêmes. Que le travail soit fait par un homme, qu’il soit fait par une femme, même produit, même salaire.
Par ce moyen, la femme ne fera pas baisser le salaire de l’homme et son travail la fera libre3.

Cette ligne de pensée continuera à s’exprimer dans l’aile antiautoritaire et dans le mouvement anarchiste. La Fédération régionale espagnole de l’Association internationale des travailleurs, au
congrès de Saragosse (1872), modifiera une proposition antérieure du congrès de Barcelone, qui demandait « l’émancipation de la femme de tout travail autre que domestique » :

Ceux qui affirment cela supposent que l’actuelle constitution de la famille est immuable… Mais les faits (montrent) que, lorsqu’on varie les conditions économiques des sociétés, surtout la forme de la propriété, les institutions sociales varient aussi […]

La femme est un être libre et intelligent, et, comme tel, responsable de ses actes, ainsi que l’homme ; donc, si c’est ainsi, ce qu’il faut c’est la mettre en condition de liberté pour qu’elle se développe selon ses facultés. Or, si nous limitons la femme aux tâches domestiques, c’est la soumettre, comme jusqu’à présent, à la dépendance de l’homme, et, en conséquence, la priver de sa liberté4.

Plus tard, le Congrès ouvrier de France (1876), qui n’est pas dans la lignée antiautoritaire, est en retard lorsqu’il déclare que « tout en reconnaissant le droit au travail pour la femme, nous voudrions
qu’elle ne fît rien en dehors du foyer ».

Vingt ans plus tard et dans un autre continent,
mais toujours au sein du mouvement ouvrier révolutionnaire, la revendication féministe réapparaît d’une façon plus radicale. En Argentine, des femmes prolétaires organisent un groupe féministe anarcho-communiste, lequel publie un journal, La voz de la mujer. Dans le premier numéro, en 1896, « La Voix de la femme » critique les hommes anarchistes qui sont très révolutionnaires dans les Sociétés de Résistance mais restent oppresseurs chez eux.

Ces exemples, choisis au hasard, montrent comment, malgré le climat et les hésitations propres à un mouvement qui, étant donné les conditions mêmes de la structure sociale qu’il combattait était
composé par une majorité d’hommes, l’idée de l’émancipation de la femme était présente et ses effets immédiats se voyaient à travers les positions du mouvement ouvrier organisé de tendance anarchiste.

Néanmoins, les rapports structurels de domination masculine ne changèrent pas à l’intérieur du mouvement révolutionnaire, au niveau des relations domestiques.

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