Le néolibéralisme comme discours et comme « état de société » s’est imposé dans nos mots (et dans nos têtes) au point de devenir une évidence : ce terme serait censé rendre compte de la nouvelle réalité économique, sociale et politique dans laquelle nous vivons, « exprimer en raccourci la compréhension de soi que l’époque présente a d’elle-même ». Et la vulgate voudrait que le néolibéralisme soit facilement identifiable, et reconnaissable à ses traits les plus évidents : déréglementation, retrait du service public donc de l’État, logique de privatisation, financiarisation de l’économie avec ce que cela entraîne de croissance des inégalités sociales, flexibilisation du travail, individualisme débridé, etc.
Mais cette apparente compréhension peut vite se transformer en perplexité. Sous l’unicité du terme se glissent en effet différents modes d’approche qui en sont, comme souvent, autant de dimensions, et qui se présentent chacun comme des modes d’explication complets ou totaux du phénomène, alors qu’il apparaît vite, que si ce néolibéralisme est la caractéristique dominante de la période, il ne peut être qu’un agencement complexe, et relever de questionnements plus amples sur son inscription dans la modernité, ses effets sur la démocratie politique etc.
La plupart des critiques du néolibéralisme recensent trois grands types d’analyse : le néolibéralisme peut être envisagé comme idéologie, c’est-à-dire comme discours de légitimation de la réalité sociale et économique, discours qui ne se limite pas à la justification de cette réalité mais contribue à la construire (on a reconnu là les travaux de Pierre Bourdieu ou d’inspiration bourdieusienne) ; il peut désigner une logique d’action politique, une rationalité gouvernementale, une nouvelle technologie de pouvoir s’étendant à tous les secteurs de la société (il s’agit des travaux menés dans le sillage de Michel Foucault) ; et il peut aussi de façon classique, être envisagé comme la forme actuelle prise par la domination capitaliste, l’expression nouvelles des intérêts des couches dominantes (chez Frédéric Lordon ou Naomi Klein par exemple).
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