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Quarante ans après
Témoignages
Article mis en ligne le 7 juillet 2009

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Pierre, menuisier. 26 ans

Cela fait un an que je suis à Strasbourg. À ce moment-là je suis dans
un centre éducatif à une vingtaine de kilomètres de la ville, en pleine
campagne. Je tente une conversion vers le métier d’éducateur, qui
échouera, heureusement. C’est en rentrant le week-end que je prends
contact avec les étudiants qui occupent le Palais Universitaire. C’est
très folklo et très sympa. Je participe à quelques AG, mais sans plus, je
ne prends la parole qu’une seule fois quand le Général de Gaulle
annonce la possibilité de l’utilisation du décret sur l’organisation de la
défense. Je ressens très vite un désintérêt pour ce genre d’explication de
texte. Je ressens aussi un grand décalage entre eux et moi qui viens de
terminer ma longue période de service civil. Je suis là quand la droite
musclée tente de prendre d’assaut le Palais U. Nous nous retranchons
derrière les portes, mais tout cela reste en fait bon enfant. Il n’y aura pas
d’affrontement. Fin mai, les plus radicaux veulent aller porter le feu en
ville, et tentent de dresser une barricade à l’entrée du centre ville. Pour
ma part je rejoins les secouristes au cas où cela se passe mal. J’ai peu
d’estime pour ce genre d’action « desperados ». Entre-temps j’ai profité
d’un week-end et de trains entre Strasbourg et Paris pour aller voir la
capitale. Je suis entré dans « la » Sorbonne, moi un ouvrier. Effrayé par
les maoïstes et autres staliniens de tout poil, fasciné par tous ces gens
qui se parlent, je vais contempler les fresques de Puvis de Chavannes.


Jacques, ajusteur. 22 ans

Je suis depuis peu encaisseur de banque, le matin je vais au bureau,
l’après-midi je zone, je récupère de la nuit précédente. Le soir je vais à
la Fac de lettres voir les étudiants. C’est la première fois que j’entre dans une université. Je la trouve bien
sale. Je parle peu et je regarde sans très
bien comprendre ce qui se passe. Je
ressens ces jeunes comme mes futurs
patrons. Ils jouent à la révolution. Un soir
je suis avec eux Place Kléber. Une mini-
barricade est faite avec des planches de la
palissade du chantier de la place.
Quelqu’un casse une lampe à pétrole
dessus. Le feu prend. Les CRS chargent.
Le lendemain, je vais chez un client, un
paysan, qui me parle de Strasbourg à feu
et à sang. Je veux rectifier, expliquer, il me
tourne le dos furieux. De retour au
bureau, on me dit de garder mes
opinions pour moi

André, ajusteur, 23 ans
Je suis alors en stage de FPA
programmateur, je fais partie d’un comité
Vietnam à Antony (banlieue parisienne).
On fabrique des grandes affiches au dos
de celles du comité Vietnam avec des
pochoirs avec un slogan assez marrant,
et on les colle la nuit. On discute. Je vais
souvent à Paris voir ce qui se passe. Je
suis curieux de tout, et aussi des manifs
de droite. J’assiste à celle des jeunes
gaullistes et aussi celle de l’Arc de
triomphe avec Malraux et les autres. Je
vais à la Sorbonne. Je participe à une
manif où il y a Claude Roy. Embarqués
par les flics, on se retrouve à Beaujon
(poste de police). Les flics libèrent
« monsieur » Claude Roy et sa femme en
premier. J’ai aussi poussé jusqu’à
Renault. Assez stalinien, à l’UJCML, on
participe à la manif du 13 mai. On a un
slogan : « Pour la lutte des classes vive la
CGT » (sic) et on se fait casser la gueule
par le service d’ordre de la CGT. J’en ai pleuré, que les gens ne comprennent pas
qu’on était avec eux me dépassait. Je ne
me sentais pas sur la même planète
même si les étudiants avaient toute ma
sympathie. Pour moi c’était dans le
prolongement du délire Amérique du
sud, c’était maintenant à Paris que cela se
passait. J’assistais à un truc qui me
plaisait et en même temps ce n’était pas
ma vie.

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